Patrick Marinoff : « Il y aura d'autres modèles Alpine à venir »

Le 22 Avril 2020 à 22h23 Patrick Marinoff : « Il y aura d'autres modèles Alpine à venir »

Le nouveau patron d'Alpine connait parfaitement le monde du haut de gamme ainsi que celui des automobiles sportives. Patrick Marinoff a, en effet, fait ses armes chez Daimler au sein des marques Maybach et AMG. Il nous a confié sa vision de la marque

Depuis le début de septembre 2019, la marque Alpine est dirigée par Patrick Marinoff, un Allemand qui a fait sa carrière chez Mercedes-Benz. Il connaît parfaitement l’univers du haut de gamme (Maybach), mais aussi celui des sportives (responsable des ventes de Mercedes-AMG). Un atout certain pour la jeune marque française, dont le catalogue tourne uniquement autour de l’A110 et qui débute une phase délicate après un départ tonitruant. Les séries limitées lancées dans quelques semaines vont certes animer la gamme, mais le label ne peut s’en contenter. Le nouveau patron nous explique ce qu’il a en tête pour faire d’Alpine une alternative sérieuse aux marques sportives déjà établies sur le marché.
 

Une production ajustée

alpine usine dieppe
L'A110 est fabriquée dans l'usine historique de la marque à Dieppe.

Pourquoi avoir divisé par deux la cadence de production fin décembre ?
Nous adaptons la production à la demande, car l’usine de Dieppe offre un système très flexible. Nous avions augmenté la production début 2019, car l’attente pour les clients était trop longue [plus d’un an] alors que notre objectif était de quatre à six mois. C’est un délai convenable pour une voiture de sport de haut de gamme : cette attente fait aussi partie de l’exclusivité du modèle. Il faut toutefois trouver le bon équilibre. C’est pour cela qu’après l’augmentation dont je parlais, nous avons baissé la production pour rester au niveau de nos objectifs initiaux. Le délai d’attente est aujourd’hui, en moyenne, d’environ trois mois, selon les versions et la personnalisation choisie.

Plus d’un an d’attente, cela ne vous a-t-il pas fait perdre des clients ?
Nous n’avons absolument pas perdu de clients du fait de l’attente trop longue. Je viens de chez Mercedes-Benz et j’ai travaillé au sein d’AMG. Dans ce monde des véhicules iconiques (SL, Classe G…), vous êtes prêt à attendre un certain temps votre voiture. Plus d’un an d’attente dès le lancement de la voiture, c’est une bonne chose : elle suscite beaucoup d’intérêt. Et nous n’avons pas reçu de lettre d’un client indiquant vouloir annuler sa commande en raison de ce délai. Certains ont pu être déçus et c’est aussi pour ça que nous avons adapté notre production pour trouver cet équilibre entre trop et trop peu.

Ces délais très longs ouvrent la porte à la spéculation. En avez-vous souffert ?

 

 

alpine a110 premiere edition
Alpine a produit 1 955 exemplaires de la série de lancement Première Edition.

Sur la Première Edition [version de lancement], il y a certainement eu quelques collectors, mais très peu, car pour spéculer sur une auto, il ne faut pas trop la sortir du garage afin qu’elle conserve sa valeur. Selon moi, il fallait une certaine volonté pour laisser une telle voiture dans son garage et ne pas en profiter. Je pense qu’au final, une poignée de personnes ont spéculé.

Quelle est la capacité actuelle de production de l’usine de Dieppe ?
La chaîne tourne à un rythme soutenu. Nous veillons à ce que la qualité de fabrication reste à un niveau élevé. L’usine est très flexible et nous pouvons adapter rapidement les besoins en personnel. Cette flexibilité est très importante pour la production d’une voiture de sport, car la demande est forte au début, puis redescend vite peu après. C’est forcément un risque pour nous avec une seule voiture dans ce segment. Actuellement, nous sommes ravis de la vitesse de production, soit sept voitures par jour.

 

Un marché a conquérir

portrait patrick marinoff alpine
Patrick Marinoff a pris la direction d'Alpine fin 2019. Il vient de chez Mercedes.

Dans quels pays la voiture se vend-elle le mieux ?
La France, avec environ deux tiers des immatriculations. La voiture fait partie de l’histoire automobile de ce pays. Viennent ensuite, à parts plus ou moins égales, l’Allemagne, le Japon, le Royaume-Uni, le Benelux et la partie française de la Suisse. L’histoire de la marque plaît, même si elle est assez méconnue hors de France. C’est notre travail de la faire connaître pour étendre l’aura d’Alpine. L’avantage, c’est que nous ne partons pas de zéro. La marque existait, mais elle était en sommeil depuis vingt-et-un ans et nous avons pu nous appuyer sur la communauté et les nombreux clubs en France afin de la faire renaître rapidement. En revanche, en Grande-Bretagne, où la marque n’a jamais été véritablement commercialisée, nous sommes quasiment partis de rien. Et faire grandir une marque dans ces conditions prend du temps.

Quelle est votre marge de progression ?
Je vois le potentiel pour faire encore mieux. Nous avons fait une présentation de la voiture à Lech [station huppée de sports d’hiver en Autriche]. C’est un lieu où nous pouvons rencontrer les bonnes cibles : des Allemands, Britanniques, Autrichiens, Suisses… Nous avions noué un partenariat avec un grand hôtel de la station, qui nous a permis de présenter la Berlinette originelle à côté de la nouvelle A110. L’ancienne a servi d’aimant, certains avaient des souvenirs avec l’auto. C’est un format que nous devons renouveler plus souvent afin de toucher cette clientèle pour lui faire découvrir l’histoire d’Alpine, histoire sur laquelle nous devons capitaliser. Cet événement nous a également permis de faire de nombreux essais.

A LIRE. Essai Alpine A110 S : notre avis sur l'A110 de 292 ch

Le taux de transformation est-il important sur ce modèle ?
Conduire cette auto est assez étonnant. C’est une sportive facilement utilisable au quotidien. Elle n’est pas compliquée à conduire et on prend vite plaisir au volant. En interne, on l’appelle l’« instant smile machine ». Elle vous donne le sourire quand vous la regardez et ce sourire ne vous quitte pas quand vous la conduisez. Surtout, ce sourire n’est pas uniquement réservé au conducteur, les gens qui croisent l’auto dans la rue sourient aussi.
 

Une gamme à étoffer

alpine a110 X prototype
Le concept l'A110 X est une étude permettant de voir comment peut évoluer le modèle. Mais il ne préfigure pas d'une future déclinaison.

Est-il économiquement viable de faire vivre une marque avec un seul modèle ?
C’est possible de faire revivre une marque avec cette stratégie : un modèle et des séries spéciales. Nous avons deux orientations pour la voiture, l’une sportive et l’autre plus GT. Nous allons développer des séries spéciales dans les deux ambiances. Bien sûr, il y aura d’autres modèles Alpine à venir, mais, pour l’instant, je ne peux dire ni de quoi il s’agira, ni quand ils arriveront. Nous avons présenté l’A110 Sport X. C’est un exercice de style qui ne donne pas d’indication sur ce que sera la prochaine auto, mais qui permet de montrer un modèle différent, plus haut, plus large. Nous étudions les retours de la presse, des concessionnaires, des clients et cela donne des indications sur les routes que nous pouvons explorer : plus sportif ou plus SUV.

A propos de SUV, c’est une carrosserie souvent évoquée pour un futur modèle Alpine. Est-ce toujours envisageable ?
C’est clairement un modèle auquel nous pouvons penser. Il n’y a rien d’impossible. Finalement, SUV cela veut dire Sport Utility Vehicle. Il y a donc le mot Sport. Les valeurs entre les clients d’une sportive et ceux d’un SUV se rejoignent sur certains points : ils veulent des modèles spéciaux, qui sortent de l’ordinaire, pas d’une classique berline.

illustration alpine suv
Cette illustration d'un éventuel SUV Alpine date de 2015.

Il y a aussi une tendance pour une position de conduite haute, pour dominer la route. Les occupants se sentent plus en sécurité. Prenons l’exemple de Porsche. Ils ont une icône dans leur catalogue, dont ils ont fait des SUV en conservant l’image de la 911. Et si nous faisons un SUV, il doit suivre les valeurs de la marque Alpine et être le plus agile des SUV du segment.

Un deuxième modèle peut-il être fabriqué dans l’usine de Dieppe ?
L’usine de Dieppe est très flexible. Beaucoup de modèles y ont été fabriqués, Twizy, Espace, Mégane RS. La taille de l’usine n’est pas un facteur limitant.

Pour les futurs modèles, Alpine repartira d’une technologie existante au sein de l’Alliance ou bien développera-t-elle, une nouvelle fois, sa propre base technique ?
Nous pouvons prendre une plateforme qui existe, si cela a un sens pour nous. Reprendre la plateforme Infiniti est faisable, mais la marque est centrée sur le marché américain, avec des modèles plus grands, plus lourds. Nous pouvons aussi reprendre la base existante et la faire progresser. Elle est déjà bien née. Il n’est pas rare pour une sportive d’avoir une plateforme au cycle de vie plus long que celui d’une plateforme standard. Par ailleurs, nous avons également l’énergie et le potentiel pour développer quelque chose qui nous est spécifique.

« Avec Alpine, nous permettons à Renault d'aller sur des marchés plus huppés ». Patrick Marinoff

La marque Alpine peut-elle être le porte-drapeau, le haut de gamme de Renault ?
Alpine est déjà le flagship de Renault. Elle permet de montrer que le groupe peut développer plusieurs technologies différentes, y compris dans le sport auto et l’automobile sportive. Alpine est au sommet de la pyramide du groupe et permet d’atteindre un objectif auquel Renault seul ne pourrait accéder : aller sur des marchés plus huppés.

 

Une électrification utile et non subie

patrick marinoff alpine entretien
Selon Patrick Marinoff, une Alpine 100 % électrique n'est pas exclue, si l'agilité de l'auto est conservée.

Comment comptez-vous répondre à la réglementation CAFE sur les rejets de polluants et de CO2 ?
Nous faisons partie de l’empreinte globale du groupe Renault et nous ne sommes pas un acteur important en termes de volume. Par ailleurs, si on compare notre empreinte CO2 avec celle de nos concurrents, nous sommes bien positionnés et notre malus est inférieur à celui de nos rivaux sur le marché français. Alpine, c’est une interprétation moderne de la voiture de sport. Il y a la légèreté, un haut niveau de plaisir, sans utiliser d’importantes ressources. BMW ou Porsche sont des constructeurs proches de la perfection, ils utilisent beaucoup de ressources pour offrir un grand confort. Alpine n’a pas pour objectif la perfection, mais l’émotion. L’A110 ne pèse pas 2,5 t avec un moteur de 600 ch, elle ne fait que 1,1 t avec un moteur de 250 ou 290 ch, ce qui est tout à fait suffisant pour procurer de vraies sensations de conduite.

Pensez-vous à l’électrification de modèles pour le futur ?
Nous faisons partie d’un groupe qui a une certaine expérience dans l’électrification. Cette technologie peut être une source de performances : couple élevé et disponible rapidement. Mais pour que l’option soit valable chez Alpine, il faut que l’électrification puisse se combiner à l’agilité de la voiture. Nous ne voulons pas faire de l’électrification uniquement parce que le législateur nous le demande. Nous faisons des recherches à ce niveau, car cela apporte véritablement quelque chose à nos clients. Et que ce soit pure électrique ou hybride, nous avons accès à toutes les technologies de l’Alliance. Mais rien n’est encore établi.

A LIRE. Le futur de Renault Sport passerait-il par l'électrique ?

Selon Ali Kassaï, directeur produit et programmes du groupe Renault, le sport ne peut passer que par l’électrique 100 % et non par l’hybride rechargeable. Qu’en pensez-vous ?
Je suis assez d’accord si vous trouvez le moyen de conserver une belle agilité avec une auto 100 % électrique. ça peut être la plus attractive des options. Parce que l’hybride rechargeable induit qu’il y a deux moteurs et qu’ils doivent travailler ensemble pour offrir la puissance maximale.